Encore sonnés par la décision de quitter le vaisseau, en tant que passagers, nous avions une consigne simple. Chacun, depuis sa base, devait maintenir le contact avec les autres. Hélas, une partie du message a échappé à la compréhension de certains.
Cette partie qui disait explicitement "depuis sa base" était pourtant essentielle. D'ailleurs, la rumeur ne parlait plus que de ça, relayée de toute part et ne cessant d'enfler. À vrai dire, la nouvelle d'une expérience inédite, à la fois espérée pour protéger chacun et redoutée tant elle paraissait incroyable, tardait à se mettre en place.

Finalement l'annonce solennelle tomba tel un couperet. Soulagé autant qu'assommé par la sanction, chacun se replia dans ses pénates. Dès le lendemain, les appels fusèrent en tous sens. Commenter la décision, nous organiser au mieux pour résister. La force du groupe face à la chape de plomb.

Les réseaux de communication, bien que surchargés, nous permettaient tout de même de maintenir les indispensables liens entre nous. Et les nouvelles allaient bon train. Quelques-uns ne respectaient pas les règles de ce jeu d'un genre nouveau.

La violence de ce deuxième message provoqua une sidération telle que son contenu resta lettre morte. Carrément inaudible. Même entre nous, il fut impossible de le faire entendre. À l'évidence nous n'émettions pas sur les mêmes ondes, ni sur les mêmes fréquences. À l'incrédulité des uns, qui continuaient à se voir en bravant l'interdit comme si cela n'avait pas vraiment d'importance, répondait en écho la peur des autres.

Tous les prétextes étaient bons pour se retrouver, l'air de rien, au début, Puis très vite, en rusant et en catimini, sans rien dire aux rabat-joie pour ne pas se faire sermonner. Après tout, on ne fait rien de mal. Non, bien sûr. Mais ça c'était avant. Aujourd'hui, on risque seulement sa propre vie et celle des autres…

Cela pris un temps fou pour faire accepter les choses telles qu'elles sont. Nous n'avons plus le droit de nous réunir. Sous aucun prétexte. Un point c'est tout. Il en va de la survie de chacun. Qu'on le veuille ou non, qu'on le comprenne ou pas, il va bien falloir se plier à la règle ou plutôt à la loi.

Et surtout, il va falloir s'organiser et entrer tous ensemble dans une sorte de résistance passive et soutenante. Parce qu’il est hors de question de lâcher tout ce que l’on a construit entre nous grâce à l’entraide mutuelle. A chacun de continuer à la faire vivre. Tous ensemble, on va traverser cette expérience en faisant en sorte de la transformer en une force. Pour cela, nous devons impérativement rester en lien, s’appuyer les uns sur les autres, se soutenir au jour le jour. Tranquillement. Aussi longtemps qu’il le faudra. Et on y arrivera, même si on est chacun chez soi… puisqu’on est tous reliés les uns aux autres et donc vraiment ensemble.